Démarrer avec un nouveau groupe, se réinventer

Lundi, je démarre un nouveau semestre avec un nouveau groupe. Au bout de treize ans d’enseignement en France (15 ans au total), j’ai acquis de nombreux réflexes. Mais, tout de même, je ne me repose jamais sur mes acquis, je me pose toujours cette question :

 » Qu’est-ce qui est important un premier jour de cours ? Quels sont les objectifs d’un premier cours ? Comment pourrais-je m’améliorer ?  »

Alors voici l’état de mes réflexions …

1. Se rencontrer

Avant tout, avant même de présenter ma façon de travailler, le programme, le calendrier … je pense qu’il est important de leur laisser un espace pour faire connaissance.

Il y a une chose que je déteste de plus en plus = les réunions, ateliers, cours … où le/la prof, le/la chef d’entreprise, le /la coordinateurice … parle et s’écoute parler pendant plus de 15 minutes en introduction de séance. Je n’en peux plus de cela. Si je m’écoutais, lors de ces moments-là, je quitterais la pièce. Je ne pourrais plus assister à beaucoup de réunions finalement …

Moi-même, j’aime parler, je suis honnête, j’aime exposer mes idées sur des sujets qui me touchent, qui me remuent, me mettent en colère … j’aime donner mon avis … d’ailleurs là, vous allez me dire que je m’égare, je ne parle pas du tout de ce que je fais lors d’un premier cours.

Mais c’est justement parce que j’aime parler et que, dans le même temps, je me suis intéressée à la part active que pouvait prendre l’apprenant.e dans les cours, que j’ai bien été obligée d’admettre que trop parler, en tant que prof, ne fonctionnait pas. Donc, je dois souvent me réguler.

Donner la parole à quelqu’un, c’est donner de l’espace, donc du pouvoir, de la puissance. En tant que prof, culturellement, on nous donne cela automatiquement. Je pense que ce pouvoir peut-être dangereux s’il est pris avec trop de condescendance et qu’il n’est pas partagé avec les apprenant.es.

Parfois en cours, évidemment ça m’arrive, je parle, je m’étale un peu, surtout quand je parle de la culture et de la société françaises et que j’ai l’impression que les apprenant.es en ont besoin et qu’iels ont peu d’occasions de côtoyer des Français.e / francophones. D’ailleurs, dans le même temps, il est aussi d’important de réguler la parole des apprenant.es eux.elles-mêmes, pour ne pas qu’elle soit monopolisée par une ou deux personnes.

Alors, oui, dès le début de ce premier cours, après m’être rapidement présentée, les activités traditionnelles de  » brise-glace  » sont très appropriées je trouve. Les êtres humain.es sont, en général, des êtres sociaux, iels apprécient donc très souvent ces activités dès le début. Quand elles sont bien rodées et adaptées au niveau, ça roule tout seul et on peut se mettre en retrait. Alors évidemment, pas avec un niveau A1 on est d’accord. Là, j’ai des B1.

Des activités brise-glace ici, du site Culture FLE, de Marianne Viader = https://culture-fle.de/quelques-activites-brise-glace-pour-le-premier-cours/

2. Présenter sa façon de travailler

Evidemment, après, je vais parler un peu. Ma méthodologie n’étant pas très « traditionnelle », il va bien falloir que j’en parle.

Je commence souvent comme ça :

 » Vous serez très actif.ves, c’est vous qui travaillerez le plus pendant le cours, pas moi. « 

Ca peut surprendre, faire rire ou laisser de marbre. Qu’importe, même si je me remets souvent en question, ça j’en suis sûre = iels apprendront et progresseront s’iels sont en action.

Alors j’explique plusieurs choses =

• la production écrite de 30 minutes tous les mercredis (ce cours = deux fois 2h/semaine) et le fait que je ne corrige pas les erreurs (j’ai un code de correction pour qu’iels se corrigent seul.es)

• la lecture suivie (je choisis un livre chaque semestre, qu’iels achètent en format poche) (au 1er semestre : Une femme de Annie Ernaux)

• les exposés (pas ma décision, mais super !)

• très peu de « cours de grammaire » mais des ateliers de grammaire au choix, en autonomie, seul.e ou en petits groupes, avec moi, en outil, à disposition & des créations de cartes mentales grammaticales en petits groupes

• des études de corpus d’erreurs à partir de leurs productions écrites

• des discussions en petits groupes à partir de déclencheurs (si besoin, s’iels ne sont pas inspiré·es, sinon expression libre), pendant les 15 premières minutes de cours, et s’iels finissent par parler d’autres choses, pas de problème

• des débats de classe (classique)

• des compréhensions orales à partir de la radio, où les gens parlent avec un rythme normal (classique)

Je leur donne une fiche qui résume tout ça, avec le programme en bref, mon code de correction pour les productions écrites, un QR code menant vers un padlet avec beaucoup de ressources culturelles (films, chansons, podcasts, littérature …), le cadre des exposés et une charte de responsabilités les engageant dans le cours.

3. Connaître leurs besoins, leurs centres d’intérêt et leur façon d’apprendre

Enfin, je leur propose d’écrire un texte.

Plusieurs objectifs : les connaître, évaluer leur niveau à l’écrit, partir sur une base pour travailler la langue pour le cours suivant.

Car avant le cours suivant, j’ai besoin de bien les connaître, de comprendre leur motivation, leurs besoins, leurs centres d’intérêt …

Souvent je leur demande d’écrire plusieurs paragraphes. Lundi, je leur demanderai d’écrire ceci =

• Présentez-vous, dites ce que vous voulez sur vous-même.

• Pourquoi prenez-vous des cours de français ? Quels sont vos besoins, vos difficultés et vos points forts ? Comment apprenez-vous ?
• Présentez une chose que vous aimez bien en France.

• Quels sont vos centres d’intérêt ?

• Ecrivez un texte au passé, fictif ou réel (le week-end dernier, un souvenir de vacances, d’enfance … )

En milieu de semestre, je leur indique que je leur proposerais de faire un état des lieux de leur progression et une évaluation argumentée du cours qui me permettra de rebondir, d’opérer des virages, des nouveautés ou des suppressions d’activités.